Chapitre 2

 "Wit is man's greatest treasure"

Le réveil à l’eau froide est difficile. Cassandra, absolument pas repentante et son méfait accompli, se précipite dans les escaliers à peine mes yeux ouverts. Je ne parvins pas à l’en empêcher, pas résolue à me montrer en pyjama devant les autres, je retourne dans notre chambre me préparer. La pluie tambourinant contre la fenêtre du dortoir suffit à achever mon moral. Je file mon collant en le mettant. Si ça continue comme ça, sale journée en perspective. Je passe ensuite le jupon et la chemise blanche sans trop de mal. La lourde jupe me pose quelques difficultés, mais rien d’insurmontable. Le souci est le corset que je ne peux pas nouer toute seule. Cassa disparue, je me résous à demander de l’aide à Alice, une de nos camarades de chambre.

La prochaine étape est de discipliner mes cheveux noirs, mi- bouclés, mi- ébouriffés, puis de nouer les lacets de mes chaussures montantes en cuir (les cheveux furent une étape délicate). J’achève finalement ma préparation par les réglementaires pince à jupes, qui servent à remonter l'avant afin que la jupe n'entrave pas les mouvements.
Je ressemble tellement à James, ç’en est affolant. Mêmes yeux chocolat, même visage rond, sans compter qu’il ne me dépasse pas d’un centimètre. Je pense alors à lui, j’ai ignoré son invitation la veille. Je récupère montre et sac avant de descendre.

J’arrive dans le réfectoire pour le petit déjeuner, accompagnée par mes camarades de chambre. Cassandra et moi nous moquons bien du regard des autres mais la discrétion n’est sans doute pas notre fort. Vestiges de notre affrontement, nos chemises sont fripées et ouvertes aux premiers boutons. Nos jupes sont mise de travers, nos collants filés, les cheveux en bataille. Ceux de Cassandra ont une jolie teinte verte ; je m’étais vengée. L’alchimie a du bon pour pimenter nos batailles.
La couleur met tellement bien ses yeux en valeur que j’hésite à lui donner le remède. Cassandra est certes une belle blonde avec de jolies formes, mais rien n’est plus admirable que la couleur de ses yeux. Ils sont d’un vert d’eau si pale qu’on peine à croire la couleur naturelle.

Dommage qu’elle insiste. Je cède et le lui remet, sur la promesse qu’elle ne trafiquera plus la tuyauterie de la salle de bains. Autant dire que son sourire plein de mauvaise foi m'avertit qu’elle trouvera bien un autre moyen de me réveiller.
L'heure précise est sonnée par les différentes horloges. Vacarme, et lorsque le silence revient, c’est pour permettre au directeur de commencer un discours sur l'année à venir :

-  Bonjour à tous. Tout d'abord bienvenue à l'Académie. Donner le meilleur de vous-même, pour cette nouvelle année. Rendez-nous fiers d'être vos professeurs. Profitez au mieux de vos dernières moments de liberté.

Petit instant de silence.

-  Je vais désormais présenter aux plus jeunes d'entre vous ce que savent déjà vos aînés. J'attends donc de ceux-ci qu'ils se montrent patients et respectueux.
Nouvelle pause. Il ne plaisante pas avec l’ordre lui.

-  Bien. Pour commencer, votre venue dans notre établissement n'est pas un choix, mais une obligation de la communauté afin de forger votre identité en son sein. Vous disposez de trois années pour ce faire, dans cette période de jeunesse où il est si difficile d'assumer de telles responsabilités. Au cours de votre vingtième année, vous allez créer la base de votre montre. Celle-ci doit être à la fois solide et modulaire, pour accueillir les armes traditionnelles au cours de votre seconde. La dernière, des rubans de couleurs vous seront remis en fonction de votre naissance, de votre position sociale et de vos compétences. Les noirs pour les soldats, les rouges pour les assassins, les jaunes pour les éducateurs, les bleus pour les diplomates et les blancs pour la royauté. Chacun d'entre vous devra alors personnaliser sa montre en acquérant une seconde particularité. Vous créerez les motifs de votre ruban, avant de pouvoir accomplir votre devoir de protection.

Il parle, il parle. Tout cela je le connais déjà.

-  Dans un même temps, vous suivrez des cours de notre choix dans l'université humaine la plus proche. A raison de trois jours par semaine, nous observerons votre capacité à vous intégrer parmi eux tout en dissimulant votre nature. Il va sans dire que nous attendons beaucoup de vous. A présent, vous pouvez venir récupérer vos emplois du temps.

Sur ces mots se forme une véritable cohue autour de la vigie. Je les regarde s’agiter, tout en allant m'asseoir à ma table, et avaler bacon et omelettes. C'est un vrai spectacle.

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